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LES LECTURES DU MOUTON
27 février 2018

« L’enlèvement des Sabines » d’Emilie de Turckheim

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« Tu ne peux pas imaginer comme la violence a le sommeil léger. Elle dort juste sous la peau des hommes, un rien la réveille ».

Sabine a la petite quarantaine et nous pouvons dire que sa vie est loin d’être un fleuve tranquille. Elle est harcelée sans cesse au téléphone par sa mère, son mari est très dur envers elle, elle est atteinte de myodésopsie (mouches devant les yeux). Le jour où elle décide de quitter son travail pour faire de la poésie, on atteint le pompon. Lors du pot de départ, elle reçoit en cadeau une sex doll, une poupée gonflable grandeur nature d’un très grand réalisme. Ironie du sort, elle s’appelle aussi Sabine.  Elle s’apprête à la revendre, humiliée par ce cadeau d’un très mauvais goût (et d’une méchanceté certaine) et n’en voyant pas l’utilité. Et puis, finalement, elle se met à lui parler tous les jours, à lui prendre son bain, à lui confier ses sentiments…

Emilie de Turckheim offre un roman aux formes variées, mêlant récit linéaire, interviews, chapitres sous forme de scènes de théâtre. L’ensemble est méchamment drôle, assez violent par moment. Le rythme est soutenu au point qu’on ne lâche pas le livre. Mais, sous ces aspects décalés, absurdes, fantaisistes, il y a un sacré fond. La Sabine de chair et de sang semble à première vue subir les violences de toute part avec une très grande passivité. J’ai d’ailleurs eu envie par moment de la secouer pour la faire réagir face à l’ignominie de son entourage. Pourtant, en réfléchissant bien, elle n’est pas qu’une simple « poupée » qu’on malmène comme on veut. Elle n’entre pas dans le système même si elle le subit. Elle est finalement plus libre qu’on ne le croit, moins sensible aux critiques et à ce monde de fou qui l’entoure. Elle n’écoute pas sa mère (qui se venge en laissant des messages sur son répondeur), n’hésite pas à dire ce qu’elle veut à la sex doll alors qu’elle sait qu’elle est filmée par son mari, choisit d’abandonner le monde de l’entreprise pour un idéal. Comme elle le dit elle-même, elle a toujours été une « fille à ours », pas une fille à poupées, elle n’entre pas dans les cases. Elle joue un rôle comme au théâtre (d’où ces échos à cet art dans la forme) qui finit certes par lui faire perdre les pédales dans ce monde où les relations professionnelles et personnelles sont d’un profond cynisme mais où elle reste fidèle à ses valeurs. Et quand la pièce se termine en tragédie grecque, la vengeance et la liberté reçoivent les applaudissements. Rideau.

Emilie de Turckheim – L’enlèvement des Sabines – Héloïse d’Ormesson – 210p

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Commentaires
Z
Lu plusieurs bonnes chroniques, peut-être que je le lirai
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