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« Actuellement, on est dans le règne de la médiocrité… Ce n’est pas chaud, ce n’est pas froid. Pas dur, pas mou. Pas humide, pas sec. C’est un marécage… On ouvre sa télévision, son ordinateur, sa radio et elle est là, elle nous accompagne, elle nous façonne. Nous devenons médiocres à son contact… Chansons médiocres, films médiocres, émissions médiocres nous procurent des émotions moyennes… C’est un régime sans partage la médiocrité, mais ça demeure fragile. Il a fallu éduquer le public pendant des décennies pour l’éloigner à ce point de la passion. Vous voyez ? »

Voilà un roman jubilatoire comme je les aime. Une histoire absurde, loufoque mais avec tout ce qu’il y a de réalisme et de satire. Bref, j’adore !

Pierre Pierre (oui je sais c’est particulier mais ce n’est que le début) est un homme d’une hypersensibilité. Tout ce qui est beau – mais attention le vrai beau, le puissant beau – le met en larmes. Un homme le remarque, il s’agit de César de la Mer, le président de Poséidon, une drôle d’entreprise où la culture, la fantaisie et la joie de vivre sont le quotidien. César embauche Pierre qui a pour mission de trouver des talents. Il découvre une chanteuse extraordinaire, Muriel, qu’il souhaite produire. En parallèle, il tombe amoureux de la belle Isis qui bientôt partage sa vie avec Mohair, le chat qui gonfle ou rapetisse selon son degré de bien-être. Seulement, un jour, Poséidon est racheté par l’horrible entreprise Vulcain. Pour les salariés commence l’enfer…

Je suis vraiment tombée sous le charme de ce roman original, à l’humour grinçant voire très noir. Avec une écriture volubile et cash, Arnaud Le Guilcher livre une profonde satire de notre monde sous des allures de dystopie absurde. Que de réalisme dans ce portrait où le laid remplace de plus en plus le beau, l’insignifiant l’essentiel. La description du monde de l’entreprise est implacable et glaçante et si, bien évidemment, le trait est fortement grossi, on ne peut y voir qu’une part importante de la réalité. Nos héros, malgré eux, sont confrontés à la bêtise, à l’inhumanité, au formatage des esprits à coup de lois restrictives et de programmes « culturels » merdiques. Ne plus penser, être servile est le credo de Vulcain et très certainement de certains acteurs de notre société consumériste. Mais une autre voie est-elle possible ? A vous de le découvrir…

Arnaud Le Guilcher – Du tout au tout – Robert Laffont– 320p