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LES LECTURES DU MOUTON
21 février 2018

« Fugitive parce que reine » de Violaine Huisman

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« On nous avait expliqué que maman était malade – il y avait pire encore que maniaco-dépressive après tout, il y avait malade, ta mère est malade. L’adjectif dans ce contexte paraissait sans rapport avec une indisposition passagère, les maladies courantes dont nous avions pu faire l’expérience, les maladies du tout-venant. L’adjectif semblait définitif, il luisait d’une aura singulière comme un front cireux sur lequel une sueur mortuaire s’est glacée, comme la gelée fige le bœuf aux carottes. Cette épithète accablante ne servait plus à caractériser un état transitoire, symptomatique, mais à circonscrire tout son être. Aussi l’adjectif flottait dans le marasme de ma conscience comme un euphémisme probable, probablement ne me disait-on pas la vérité, on continuait de me mentir pour me cacher le départ éternel de maman ».

Voici un premier roman bien bouleversant que nous offre Violaine Huisman. D’une écriture percutante, sans pathos, aussi âpre que le récit est débordant d’amour, l’auteure raconte Catherine, sa mère bipolaire, et son vécu en tant qu’enfant avec une mère aussi excentrique qu’aimante. Bien évidemment, en commençant la lecture, j’ai pensé à Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan mais la construction en est bien différente même si on oscille aussi entre le récit-témoignage et le roman.

Le livre est construit en trois parties. Dans la première, l’auteure raconte sa vision de sa mère et de son enfance. Dans la seconde, elle se place du point de vue de Catherine : « Il fallait que j’en devienne la narratrice à mon tour pour lui rendre son humanité » dit Violaine pour annoncer ces pages. Enfin, dans une troisième partie, l’auteure nous raconte la fin de Catherine, l’après. Si j’ai noté pas mal de répétitions entre la première et la seconde partie, ce n’est pas très dérangeant vu qu’on change de point de vue dans le récit. Pour autant j’ai trouvé la première partie un peu longue alors que j’ai dévoré les deux suivantes avec avidité.

Violaine Huisman livre un portrait sans concession de sa mère. Elle n’hésite pas à raconter le plus laid comme le plus beau. Elle ne cache rien de la déchéance de Catherine, des mots durs qu’elle pouvait avoir pour elle ou sa sœur, sa tendance à l’égoïsme, à être la « reine » de tout. Et pourtant, que d’amour et de tendresse aussi !  En filigrane, j’ai aimé aussi la façon dont l’auteure se raconte à travers cette mère fantasque. Comment se construit-on enfant face à une mère aussi instable ? Comment faire pour retenir le plus beau sans occulter le reste ? Comment être tout simplement soi ?

Un bien beau roman que je vous recommande chaudement.

Violaine Huisman – Fugitive parce que reine – Gallimard – 246p

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Commentaires
M
Belle découverte que ce roman que je n'avais pas remarqué. Merci!
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