« Histoire du lion Personne » de Stéphane Audeguy

« Alors Pelletan se fit cette réflexion qu’il y avait sur terre deux âmes plus solitaires que la sienne, puisqu’Hercule et Personne, en dépit de leur destinée singulière, de leur insolite amitié – ou fallait-il dire, en raison de cela ? – n’appartenaient désormais plus à aucune société. Ces deux êtres si rares ne devaient-ils pas être protégés non seulement de la méchanceté des hommes, mais aussi de la férocité des animaux sauvages, de la peur des animaux domestiques, de leur propre inadaptation, en somme, à quelque monde que ce soit ? Il comprit également que lui, Pelletan, avait contribué à aggraver la situation où se trouvait Personne, et par une coupable sensiblerie, et par le vain orgueil de posséder un lion. Il s’en voulait beaucoup ».

Et voici ma première lecture dans le cadre du prix du meilleur roman Points !

Nous suivons les tribulations du lion Kena (Personne en français, un hommage évident à Homère) de son recueillement par l’orphelin Yacine jusqu’à son arrivée en France à la Ménagerie de Versailles, en passant par sa prise en charge par Jean-Gabriel Pelletan, le directeur de la Compagnie Royale du Sénégal. Nous découvrons aussi la force de son amitié avec Hercule, un chien qu’il ne quitte pas.

Dans cette histoire hautement romanesque, Stéphane Audeguy fait un véritable éloge au monde animal et explore ce que l’humain peut faire de mieux et de pire. Personne a une vie extraordinaire où il côtoie des brutes mais aussi des hommes bons, qui lui veulent du bien… en ne se doutant pas que finalement ils lui privent de l’essentiel : la liberté, la capacité à pouvoir vivre en milieu sauvage. Personne n’est pas un animal libre. En voulant le sauver, Yacine l’asservit de façon involontaire même si en parallèle il lui donne tout son amour. Il en va de même plus tard dans sa relation avec Dubois le directeur de la ménagerie. Doit-on enfermer et exhiber des animaux même si on leur apporte soins et affection ? Cette privation de liberté des animaux est subtilement mise en parallèle dans le roman avec la montée des critiques sur l’esclavage.  Bien que transposées au XVIIIe siècle, ces réflexions sont clairement d’actualité.

Au-delà de la condition animale (et humaine), le roman, à travers l’épopée de Personne, permet de traverser plusieurs moments-clés de bouleversements politiques et économiques en Afrique (esclavagisme, colonisation) et en France (Révolution française).

L’écriture est belle, poétique même si très ampoulée. C’est d’ailleurs en raison de ce style grandiloquent que le début du roman m’a un peu déstabilisée. De même, il y a – sûrement de façon involontaire – une mise à distance avec le récit de la part de l’auteur. Pourtant, au vu des thèmes abordés, on voudrait au contraire être totalement plongé dans le récit, le vivre avec passion. Bien que poétique, l’écriture ne permet pas cette proximité et c’est dommage car tout est beau, bien trouvé et d’actualité.

Stéphane Audeguy – Histoire du lion Personne – Points – 170p

Comments

[hélène]

J'ai bien aimé ce récit...

[Adele]

J'ai adoré le début, surtout le style, moins après car je me suis demandée où l'auteur voulait m'emmener et je n'ai pas compris la morale de ce conte