Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LES LECTURES DU MOUTON
21 août 2017

« Légende d’un dormeur éveillé » de Gaëlle Nohant

Coup de cœur – rentrée littéraire 2017

A Nohant eho_nohant2n-1-252x368

« Ils sont à peine plus nombreux que les Apôtres mais autour de cette table, ils représentent tout ce que les croisés de la morale et de la religion abhorrent. Le monde nouveau dont ils souhaitent l’avènement ouvrirait la connaissance à tous, serait fait de dialogues entre les peuples et de respirations, de la liberté de penser et d’aimer qui bon vous semble, d’une répartition plus juste des richesses ».

Après le succès de La part des flammes, nous étions beaucoup de lecteurs à attendre avec impatience le nouveau roman de Gaëlle. La langue était si belle et le travail de documentation était tellement magistral qu’on espérait retrouver ce sentiment de proximité avec les personnages. Le pari est réussi car à travers ce magnifique nouveau roman, Gaëlle Nohant ne se contente pas de nous brosser le portrait du poète Robert Desnos de 1928 à 1945, elle lui redonne véritablement vie. Nous avons l’impression d’être constamment en sa compagnie, de le suivre comme un ami dans son parcours, avec ses forces, ses faiblesses, ses colères et ses doutes. Robert Desnos nous semble tellement réel à nos côtés que même en connaissant sa fin, on se met à espérer un dénouement différent. C’est la grande force du romanesque que d’insuffler de la vie et de l’espoir.

Une fois de plus, pour permettre cette connivence en permanence avec le poète, Gaëlle Nohant a effectué un énorme travail de documentation. Ce travail permet non seulement de se sentir proche de Desnos mais aussi de plonger dans ce milieu artistique et littéraire de la première moitié du XXe siècle. Robert Desnos avait des amitiés solides et variées. Si nous le saisissons au début du roman au retour d’un voyage à Cuba avec Alejo Carpentier, nous rencontrons aussi Antonin Arthaud, Pablo Neruda, Man Ray, Jean-Louis Barrault et tous les surréalistes dont le « monarque » André Breton. Ils deviennent eux aussi nos compagnons de route : on suit leurs évolutions artistiques et personnelles dans un Paris que Gaëlle Nohant sait si bien décrire. Robert Desnos était un enfant du quartier populaire des Halles mais fréquentait de nombreux spots dans la capitale et les descriptions sont quasi-photographiques. Rien d’étonnant à ce que le lecteur vive ce Paris des années 30/40, l’auteure est une amoureuse de la capitale et il suffit de la suivre sur Instagram pour se rendre compte à quel point Paris est aimée mais aussi un personnage à elle toute seule.

L’autre force de ce roman est aussi d’offrir un puissant tableau de la France politique des années 30/40. L’art et les artistes se forgent dans un contexte particulier et tendu. Nous vivons la montée des extrémismes avec les ligues, du communisme. Nous plongeons aussi dans le Front Populaire avant de voir l’Occupation s’installer ainsi que les réseaux de résistance.

Enfin, il paraissait inconcevable de parler de Robert Desnos sans parler aussi de ses amours : celui pour Yvonne au départ puis avec Youki Foujita, sa muse, sa « Sirène ». Robert Desnos n’était pas forcément un bel homme et était finalement peu sûr de son charisme. Et pourtant il a baigné dans l’amitié (avec parfois des hauts et des bas notamment dans les querelles entre surréalistes) et dans l’amour. Il reste épris et protecteur jusqu’au bout avec cette femme fatale, peu fidèle et qui semble quelque peu évaporée : « Il ferme les yeux sous l’intensité de la brûlure. Il avait oublié le venin sous l’écaille brillante. Pour la Sirène, la mer est vaste et les marins nombreux. Quelle naïveté de se croire assez singulier pour limiter sa faim ». La dernière partie du roman nous révèle cependant un autre visage de Youki : une femme déterminée et plus amoureuse que jamais.

Enfin, l’écriture de Gaëlle est toujours aussi sublime et elle a su distiller les poèmes de Desnos tout le long du roman au bon moment, toujours avec justesse. Quel beau travail ! J'ai juste un peu peur que la longueur du roman freine des lecteurs occasionnels, effrayés par la masse. Ils auraient bien tort !

Gaëlle Nohant – Légende d’un dormeur éveillé – Héloïse d’Ormesson – 544p

Du même auteur : 

" La part des flammes " de Gaëlle Nohant - LES LECTURES DU MOUTON

" Non seulement ce spectacle de la mort était impudique, mais il n'offrirait nulle consolation aux familles qui y seraient confrontées tout à l'heure. Car ces corps en morceaux n'exprimaient que douleur et agonie.

http://www.leslecturesdumouton.com



Publicité
Publicité
Commentaires
H
J'ai adoré cette lecture !
Répondre
N
Magnifique chronique pour un roman sublimissime !
Répondre
Z
Très tentant, voire plus
Répondre
N
Il va être difficile de passer à côté de ce roman !!
Répondre
Publicité