Leiloona organise chaque semaine des ateliers d'écriture. Tous les mardi/mercredi, elle met en ligne sur son blog une photo qui doit permettre d'éveiller l'imagination et mettre ainsi en place un processus d'écriture. Les participants doivent ensuite fournir un texte le dimanche soir qui suit. Le lundi matin, Leiloona les publie ou met les liens des différentes participations.
©Alexandra K
Préambule : Nath, Eirenamg et moi-même avons testé, pour la première fois, l’atelier ensemble. En plus de la photo, nous avons voulu mettre des éléments en commun. Etant donné que nous avions fait avec Leiloona une lecture commune sur Grégoire Delacourt, nous avons choisi d’y caser une chèvre et un personnage nommé Grégoire. De même, nous avons décidé de commencer par la même première phrase : « Tout commence dans ce café ». Enfin, des personnages devaient être des amies et l’idée de voyage devait apparaître. Armées de toutes ces contraintes, chacune a ensuite fait son texte à sa guise. Toute ressemblance ou connexion intertextuelle hors contraintes est purement fortuite. Promis, juré, craché…
Tout commence dans ce café. L’idée leur a pris comme ça, écrire pour l’atelier toutes les trois, à l’abri du froid et avec un bon chocolat chaud. Passées les grandes discussions philosophiques – ou pas, passés les rires et les tags sur Facebook, elles se concentrent sur la photo. Une sorte de chalet, une forêt de conifères, l’été très certainement, un paysage de montagne en somme. Nadège, Nora et Victoire tentent de connecter leurs neurones mais on est vendredi soir, ce n’est pas si facile. Les chocolats sont bus, les vagues idées lancées sur le papier mais rien de tangible n’en sort. Rien de rien. C’est bien la peine d’être à trois pour en arriver à ce résultat. Elles se laissent du temps, en profitent pour payer le serveur qui a oublié d’être aimable – nous sommes à Paris après tout – et elles se jettent dans le bain. Finalement, Nadège et Nora se mettent à écrire rapidement comme animées par une force invisible. Victoire les regarde stupéfaite, elle n’a pas la moindre idée à coucher sur le papier. Un peu honteuse, elle fait semblant de prendre une grande pose de réflexion : le coude posé sur la table, la tête posée sur la main, le stylo à la bouche, le regard ailleurs. En fait, elle se contente de regarder la gare de Lyon illuminée, les bus et les voitures qui passent boulevard Diderot.
Elle finit par poser son stylo sur la table et lance : « Et si on partait toutes les trois à la montagne ce week-end ? ». Nadège et Nora lui jettent des regards éberlués. Nora frappe Victoire sur l’épaule en lui disant : « Non mais ça ne va pas ma vieille ! Tu as encore pété un câble ! On aurait eu un paysage de désert, tu nous aurais proposé un Paris-Dakar aussi » ? « Je sais que mon idée est hallucinante mais pourquoi pas ? On ne fait jamais rien qui soit complètement fou. Là ça l’est et puis, qui sait, on trouverait peut-être le lieu de la photo. Elle a pu très bien être prise dans les Alpes ! Le hasard fait parfois bien les choses ». « Si tu ne trouves pas l’inspiration ici, tu ne l’auras pas forcément plus là-bas ! » lance Nora. Nadège acquiesce d’un léger hochement de tête. Victoire est piquée au vif : elles ont bien vu qu’elle galérait malgré leur concentration et leur écriture automatique. Nora sort son portable, va sur le blog d’Alexandrine et se met à rire : « Tiens, tu sais d’où vient la photo ? De Roumanie ! Je te souhaite bon courage pour y aller de gare de Lyon ! ». Victoire se tait, vexée, incomprise : à défaut de voyager par les mots, elle voulait voyager véritablement.
« Purée, tu vas me rendre chèvre Vic ! Avec tes conneries j’ai perdu le fil de mes idées. Pfff, t’es infernale ! » râle Nora. « Bon les filles, ce n’est pas grave. Mangeons un bout, j’ai de toute façon une faim de loup ! » tempère Nadège qui voit l’orage entre les deux amies se pointer et ses idées s’envoler. Elles commandent des flammenküenches et arrosent le tout d’une Karlsbräu. Puis...
« Victoire, Victoire, houhou ! Mais qu’est-ce que tu fous par terre ? » rigole Grégoire. Victoire se redresse brusquement, ahurie et se découvre au sol, à côté du lit, les quatre fers en l’air. Elle n’avait ni voyager avec les mots, ni réellement mais seulement dans son rêve. « Bon allez Vic, dépêche-toi, il faut qu’on soit à CDG dans deux heures ». Direction la Roumanie.
©Virginie Vertigo
NB : « Unde-s doi puterea creste » est un proverbe roumain que l’on peut traduire par L’union fait la force ».
Pour voir les versions de Nath et Eirenamg, voir les liens ICI et LA.