« Voici venir les rêveurs » d’Imbolo Mbue
« Je t’explique, lui disait-il en la prenant de haut, l’Amérique, ce n’est pas ça du tout ; c’est un pays plein de mensonges. Si tu veux savoir la vérité, je te la dis : ce pays n’a plus de place pour les gens comme nous. Que ceux qui ont perdu la raison croient aux mensonges et restent ici à jamais, en espérant que la situation s’arrangera et qu’ils seront heureux un jour. Mais moi, je ne vais pas passer ma vie à espérer devenir soudain heureux par l’opération du Saint-Esprit. Je refuse ça ! »
Voici un roman bien agréable à lire sur l’image que l'on se fait de l’Amérique et sur les désillusions de l’immigration. Imbolo Mbue, elle-même camerounaise immigrée aux États-Unis, raconte l’histoire de la famille Jonga qui part du Cameroun pour tenter de réaliser leur rêve américain. Jende, le père, aidé par un réseau de solidarité africaine, réussit à décrocher un emploi de chauffeur pour Clark Edwards, banquier chez Lehman Brothers. Sa femme Neni commence des études de pharmacie tout en faisant des services pour Cindy, la femme dépressive de Clark. Plutôt bien partis dans cette aventure américaine qu’ils idéalisent avec leur fils Liomi, ils rêvent d’obtenir la Green Card. Mais nous sommes en 2008 et la crise des subprimes éclate réduisant les rêves à néant. Face à l’échec se pose la question du retour au pays. Jende, empli de sagesse, n’ayant jamais oublié d’où il venait et très attaché à sa culture africaine, se prépare à revenir à Limbé, leur ville camerounaise d’origine. Neni, elle, plus vive et plus américanisée, s’acharne à rester à New York.
Imbolo Mbue offre un roman très intéressant et bien écrit sur le regard que les immigrés peuvent poser sur l’Occident et vice-versa. L’Amérique est vue comme un eldorado, un espoir de s’élever mais on peut toucher cet idéal du doigt et tout perdre. Au-delà de cet aspect, l’auteure montre bien aussi les différences de culture et le fossé entre les classes sociales dans les rapports entre les employés africains et les nantis américains. Pour autant, le bonheur ou le malheur peuvent être communs. La critique est acerbe et à raison sur notre société où le capitalisme et la consommation sont rois.
Ce roman est de bonne facture. Les dialogues où les langues se mélangent sont savoureux et les personnages sont plutôt sympathiques même s’ils me semblent un peu caricaturaux par moment et manquent parfois de consistance. J’ai trouvé aussi que les cent premières pages étaient un peu monotones. L’ensemble reste cependant très agréable.
Imbolo Mbue – Voici venir les rêveurs – Belfond – 425p