« Mener une enquête était un éternel recommencement, une plongée sans cesse renouvelée au cœur d'une fractale : plus on descendait dans le détail, plus ce détail s'enrichissait de nouvelles pistes à explorer, jusqu'à tomber sur un autre détail, et ainsi de suite. Et les assassins les plus retors se repliaient au fond de la fractale, attendant qu'on vienne les en déloger ».
Abigaël est profileuse : elle enquête sur la disparition de quatre enfants. Ils ont été enlevés les uns après les autres avec trois mois d’intervalle (sauf le dernier). A chaque enfant disparu, l’homme plante un épouvantail vêtu des vêtements lacérés de l’enfant enlevé précédemment. Ce mode opératoire lui vaut le surnom de Freddy (comme Freddy Krueger des Griffes de la nuit).
Si Abigaël est une experte émérite, elle doit faire face à deux problèmes personnels importants et qui nuisent à son enquête. Elle est tout d’abord narcoleptique. Malgré un traitement au Propydol pour réguler ses phases de sommeil, elle éprouve de plus en plus de difficultés à saisir ce qui est du domaine du rêve et de la réalité au point de se mutiler pour faire la différence. Enfin, elle a subi un grave accident de voiture dans lequel elle a perdu à la fois sa fille Léa et son père ancien douanier.
Au fur et à mesure de l’enquête, Abigaël va se rendre compte que des choses sont louches, aussi bien dans sa maladie, le mode opératoire de Freddy que dans l’accident. Et si la réalité était encore plus difficile à cerner qu’on se l’imagine ?
Passionné par les neurosciences, Franck Thilliez a donc choisi d’aborder dans ce thriller les troubles du sommeil pour lesquels il s’est beaucoup documenté. Dans ce très gros roman de 600 pages, l’auteur nous embarque dans une histoire folle à la construction narrative hallucinante. L’emboîtement savant des chapitres dans des espaces-temps différents oblige le lecteur à se remettre en question sans cesse, comme l’héroïne, sur la véracité des événements. Malgré cette structure, on suit sans trop de difficultés le thriller qui est un véritable page-turner même si j’avoue n’être pas très sûre d’avoir compris toutes les subtilités du roman. A la fin, l’auteur convie son lecteur à aller sur le site de l’ouvrage pour découvrir un passage tronqué (le chapitre 57) et l’ordre chronologique des chapitres grâce à un code dissimulé dans le récit (code en soi pas compliqué à trouver mais un peu vicieux à utiliser car il y a une petite subtilité à ne pas oublier).
Franck Thilliez est véritablement un maître du thriller psychologique, manipulateur à souhait au point qu’il me ferait presque peur. C’est en tout cas plaisant de voir qu’en France, avec lui notamment, on n’a rien à envier aux grands maîtres américains du genre.
Franck Thilliez – Revɘr – Fleuve noir – 600p