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LES LECTURES DU MOUTON
30 octobre 2016

« Pas trop saignant » de Guillaume Siaudeau

Coup de cœur – Rentrée littéraire 2016

2016-10-16 11

« Chez Jacques, il a tracé son chemin en rouge sur une vieille carte routière. Ils ont étudié et défini le meilleur trajet. C’est Sam qui fait le copilote, la carte sur les genoux. Il est fier de la mission qui lui a été confiée. Ça rend Joe encore un peu plus heureux. Quand Joe le voit s’extasier, plus rien n’a d’importance. Il se dit que si le monde devait s’écrouler d’une minute à l’autre, c’est précisément là qu’il aimerait s’arrêter pour attendre la fin. Au bord d’un sourire d’enfant ».

Et voilà encore un roman bien trop court à mon goût (135 pages)  : il est tellement bien qu’on ne veut pas le lâcher !

Pour son troisième roman, Guillaume Siaudeau nous embarque dans l’aventure folle de Joe. Joe ne supporte plus de travailler dans un abattoir, d’entendre la mort des animaux. Il souffre dans son âme et sa chair. Le seul moyen de supporter son existence est de venir régulièrement à l’hôpital pour subir des injections qui le soulagent momentanément. Un jour, son infirmière préférée, Joséphine, n’est pas là pour lui faire son shoot. Cet événement va être le déclencheur d’une décision soudaine : stopper cette vie de massacres, retrouver une liberté. Là où certains démissionneraient simplement, lui s’enfuit avec un camion, six vaches et Sam, un petit orphelin qui vit chez des gens peu fréquentables. Les voilà embarqués dans une folle aventure, traqués par la police mais aidés par deux personnages : Jacques et Robert.

Mais que peut bien faire Joe avec six vaches, un enfant et un mal-être à surmonter ?

Ce roman, découpé en trois parties, possède de nombreux thèmes que j’affectionne : le mal-être qu’on cherche à enfouir au plus profond de soi, à dissiper du mieux qu’on peut, en silence ; le souhait de recouvrer une liberté aussi infime et éphémère soit-elle ; se retrouver, être en accord avec ses idées même si elles vont à l’encontre de la pensée collective. Guillaume Siaudeau nous offre un superbe anti-héros, un homme solitaire, un peu à la marge car d’une sensibilité à fleur de peau. On s’attache à ce personnage discret, amoureux de son infirmière, attaché à un petit gamin à la vie difficile, et surtout complètement vidé par une vie non choisie. L’auteur fournit aussi de beaux personnages secondaires, l’ami Jacques et le vieux Robert, qui les aident dans leur fuite. On s’amuse de la vision cruelle qu’il donne des policiers. Je ne vous parle même pas de la fin, une fin comme je les aime et qui fait écho à un magnifique film.

Le tout est servi d’une très belle plume. J’ai corné plein de pages tellement il y a de très beaux passages que je souhaitais retrouver. En voici une petite sélection :

 - « Joe sait bien que les questions et les réponses sont comme les hommes. Il arrive souvent que certaines restent seules. Qu’elles n’aient pas leur pendant. Qu’elles restent à errer ici et là toute leur vie à la recherche de ce qui comblerait leur manque. Si toutes les questions avaient une réponse, ça se saurait. Y aurait moins de gens avec des points d’interrogation au fond des yeux ».

- « Il se demande parfois ce qui prédomine chez lui. L’amour ou la folie. […] Parce que les gens normaux sont en règle générale soit bien trop fous, soit bien trop amoureux. Ils se comptent sur les doigts d’une main, les types comme lui, dont le cœur partage équitablement l’amour et la folie ».

- « Joe se contente de manger sans dire un mot. Il attend patiemment que la boule dans sa gorge dégomme les quilles dans son ventre ».

J’ai reçu un beau shoot de littérature, sans intraveineuse, sans infirmière, mais qui m’a apporté un arc-en-ciel de plaisir. Un roman que je ne peux que vous inciter à dévorer, à point.

Guillaume Siaudeau – Pas trop saignant – Alma éditeur – 135p

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Commentaires
N
"Un shoot de littérature"... voilà qui fait bien envie. J'en veux un moi aussi ;-)
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