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LES LECTURES DU MOUTON
12 septembre 2016

« Chanson douce » de Leïla Slimani

Coup de cœur – Rentrée littéraire 2016

2016-09-12 21

« La nounou est comme ces silhouettes qui, au théâtre, déplacent dans le noir le décor sur la scène. Elles soulèvent le divan, poussent d’une main une colonne en carton, un pan de mur. Louise s’agite en coulisses, discrète et puissante. C’est elle qui tient les fils transparents sans lesquels la magie ne peut pas advenir. Elle est Vishnou, divinité nourricière, jalouse et protectrice. Elle est la louve à la mamelle de qui ils viennent boire, la source infaillible de leur bonheur familial.

On la regarde et on ne la voit pas. Elle est une présence intime mais jamais familière. Elle arrive de plus en plus tôt, part de plus en plus tard. Un matin, en sortant de la douche, Myriam se retrouve, nue, devant la nounou qui n’a même pas cligné des yeux. ‘’Qu’a-t-elle à faire de mon corps ? se rassure Myriam. Elle n’a pas ce genre de pudeur’’.»

 « Le bébé est mort ». C’est avec cette première phrase que Leïla Slimani commence son second roman Chanson douce. Le bébé est mort, sa sœur aussi. Ils ont été tués par Louise leur nounou. C’est Myriam, la mère, qui fait la macabre découverte. Après les trois pages de ce premier chapitre d’une horreur absolue, Leïla remonte le fil de l’histoire pour expliquer ce qui a pu mener à ce drame, à la manière d’une enquête policière puisqu’on y cherche le moindre indice permettant de comprendre.

Le jeune couple dynamique, un peu « bobo », cherche une nounou bien comme il faut car Myriam veut reprendre son métier d’avocate après un congé parental mal vécu. Louise leur tape dans l’œil. Elle est gentille, serviable, les enfants l’adorent. Elle devient vite indispensable au point qu’elle arrive de plus en plus tôt et repart de plus en plus tard. Le couple l’emmène même avec eux en vacances. Mais Louise, derrière son rôle de nounou parfaite, cache des blessures, des failles, un comportement un peu bordeline. Le couple, quant à lui, s’enferme dans cette dépendance à Louise tout en ne lui prêtant pas l’attention qu’elle mériterait : le fossé se creuse entre eux à la fois par la différence sociale mais aussi par leur relation employeurs-employé. Le piège se referme progressivement et nous, lecteurs, on se demande à quel moment tout va basculer.

Leïla Slimani nous offre des portraits saisissants de ces trois personnages, avec une psychologie très travaillée. Grâce à une écriture à la fois fluide et concise, elle nous embarque complètement dans cette histoire funeste. Déjà emballée par son premier roman, Dans le jardin de l’ogre, j’ai apprécié la retrouver dans cette veine du drame psychologique, de la souffrance, de la solitude. Nous avons affaire à un très grand écrivain qui compte déjà et comptera encore plus dans les années à venir. Ses différentes nominations aux plus prestigieux prix littéraires sont amplement méritées.

 

Leïla Slimani – Chanson douce – Gallimard – 230p.

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Commentaires
L
J'ai acheté aujourd'hui "Dans le jardin de l'ogre" et j'ai déjà envie de retourner en librairie pour acheter celui-ci !<br /> <br /> L'aspect psychologique m'attire vraiment beaucoup.
Répondre
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