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LES LECTURES DU MOUTON
12 septembre 2016

La roue tourne – Ma participation à l’atelier d’écriture #231 de Leiloona (Bricabook)

Leiloona organise chaque semaine des ateliers d'écriture. Tous les mardi/mercredi, elle met en ligne sur son blog une photo qui doit permettre d'éveiller l'imagination et mettre ainsi en place un processus d'écriture. Les participants doivent ensuite fournir un texte le dimanche soir qui suit. Le lundi matin, Leiloona les publie ou met les liens des différentes participations.

roue-concorde-atelier-231-1

©Leiloona

 

Elle remonte à la surface métro Concorde. Elle va enfin visiter cette expo qu’elle attendait depuis des semaines. Là, c’est le dernier carat, la dernière journée libre avant la fin le 13 janvier. Elle avait repoussé la visite jusqu’à cet instant. Elle aime jouer avec le temps, faire durer le suspense, le désir, jusqu’au moment où il faut se faire violence et se jeter. Procrastination est la définition qu’on donne, mais pour elle c’est l’essence de sa vie, son piment. A quoi bon tout faire trop vite ? Le plaisir est encore plus grand, plus fort quand on fait monter le désir et qu’on y cède ensuite, juste avant que le moment nous échappe, avec la violence de ceux qui savent justement que c’est la dernière occasion.

Seize heures et demie. Il fait déjà presque nuit mais elle se décide tout de même à emprunter le jardin des Tuileries plutôt que la place de la Concorde. Bien que les fêtes de fin d’année soient terminées, la foule reste importante en ce jeudi, des touristes pour la plupart venus photographier et tester la Grande Roue. Cette Grande Roue, elle ne l’aime pas. Plus jeune, elle était montée dans une de ces machines – elle ne sait même plus où d’ailleurs – et elle avait été traumatisée. La hauteur, les nacelles qui tanguent au gré du vent, une peur incommensurable. Elle avait essayé plus tard, lors d’un séjour à Vienne, de faire le Riesenrad du Prater. Le sol s’était dérobé sous ses pieds au moment d’y monter.

De longues minutes dans la file d’attente et enfin l’accès à l’Orangerie. Des murs d’un vert olive, une immense photo de Frida, celle de la couverture de Vogue, sur le côté droit puis l’entrée dans l’expo. Pendant près d’une heure, elle arpente les différentes pièces aux couleurs vives : la Casa Azul semble avoir quitté Coyoacán pour le cœur de Paris. Et là, au milieu des œuvres de Frida Kahlo et de Diego Rivera, la claque ! Le cœur palpite, le sang tangue, la chaleur monte à la tête, le sol semble une fois de plus vouloir se faire la malle. Mais, contrairement à la roue, ce n’est plus la peur, c’est le sentiment amoureux. Elle tombe amoureuse soudainement, violemment de Frida. Ce n’est pourtant pas une inconnue, elle la connaît déjà. Elle avait étudié certaines de ses œuvres en cours d’espagnol au lycée. Mais, là, cette confrontation directe avec ses peintures, avec les problématiques de la femme qui lui parlent tellement plus à trente ans qu’à quinze ou vingt, c’est le coup de foudre. A partir de ce jour, elle n’aura de cesse de se documenter sur elle, de lire ses lettres, de tenter de la connaître au plus intime. Elle aura aussi l’idée d’en faire un personnage pour un atelier d’écriture. Elle espérera aussi en faire plus sur elle, avec elle. Mais, comme d’habitude, elle jouera avec le temps, elle fera durer le suspense, le désir jusqu’au moment où il faudra se faire violence et se jeter.

Dix-huit heures passées. Elle est sortie. Elle s’avance jusqu’au muret devant le musée, fait face à la place de la Concorde. Elle ferme les yeux, respire l’air frais et laisse le vent fouetter ses joues en feu. La délivrance après l’excitation. Elle rouvre les yeux et observe à nouveau la Grande Roue, sa lente rotation et ses lumières vives. Et là elle ne se l’explique pas, elle ouvre son sac, saisit son appareil photo et prend un cliché de la structure.

©Virginie Vertigo

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Commentaires
B
Ce que Frida a reussi à faire de sa vie, la façon dont elle s'est servie de cette terrible douleur physique pour en faire de la beauté au lieu de gémir à tout jamais en regrettant le temps d'avant l'accident, me fascine autant que toi....C'était beau de l'écrire et elle mérite ton coup de foudre .....
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L
Lire encore quelques lettres de Frida et elle pourra faire plusieurs tours de la grand roue avec exubérance et fougue, passionnément, c'est promis !
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L
Ah oui je me souviens très bien de cette expo ! Sympa la remise en contexte ! Et bien vu aussi cet amour pour un artiste. :)
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V
J'aime beaucoup ce texte ! Tout d'abord, je me reconnais parfaitement lorsque le personnage a attendu le dernier moment avant de visiter son exposition, moi-même j'attends souvent le dernier moment avant de me lancer. Ensuite, je vais me renseigner plus sur cette Frida, si tu as tant aimé (car c'est toi dans le texte ?), c'est qu'il doit y avoir une raison. Ton texte me rappelle un peu Charlotte de David Foenkinos, où l'auteur est obsédé par la personne de Charlotte. Bravo !
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S
Je suis très sensible à la procrastination de ton personnage. Par ailleurs, fan de Fradi aussi, j'aime ce coup de foudre que tu racontes si bien.
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