« Fils du feu » de Guy Boley
« Papa et Jacky, ferronniers d’art ; ils maîtrisaient le feu mais ignoraient Vulcain, Prométhée et Wotan, Zeus ou Héphaïstos. Les dieux du Walhalla, d’Olympe ou de l’Iliade leur étaient inconnus. Même saint Eloi, patron des forgerons, ne les concernait pas. Ils étaient incultes, c’est-à-dire intelligents mais sans les livres capables de leur nommer, soit cette intelligence, soir cette inculture. Ils s’en moquaient, de toute cela, des trois divinités, des quatre horizons, des douze travaux d’Hercule ou des Mille et Unes Nuits. »
Purée, quel premier roman que ce Fils du feu de Guy Boley ! Un récit court, sans un mot de trop mais qui claque et remue.
L’histoire se situe à Besançon dans les années 50/60. Le narrateur vit au rythme de la forge, celle où travaillent son père et Jacky. La vie et le cœur sont comme le métal dans ce monde de Vulcain : ils sont chauffés à rouge, à blanc, martelés mais ressortent forts et sublimés. Dans ce monde à la limite de la magie pour les yeux d’un enfant, le drame vient perturber le cours des choses : Norbert, le petit frère, meurt. La famille est anéantie, abîmée : la mère sombre dans une folie douce où elle continue à faire vivre son défunt de fils, le père montre de la violence, la grande sœur quitte la maison. La pression sociale fait qu’on finit par vivre comme si de rien n’était. On n’oublie pas mais on s’arrange avec son deuil pour que celui-ci soit moralement acceptable. Il en va de même avec d’autres aspects qui peuvent déranger. Ainsi, sans faux-semblant mais avec pudeur, le narrateur raconte aussi la découverte de son homosexualité et l’aveu à la mère. Tous ces événements bloqueront pendant longtemps les désirs de peinture du narrateur jusqu’au jour où un tableau finit par naître et révèle ce que le peintre lui-même ne pensait pas produire.
On ressent beaucoup d’amour dans ce roman, l’amour de la mère, du père, de ce milieu de la forge malgré les non-dits, les drames. Guy Boley nous offre une écriture sublime, d’une grande poésie. Comme le fer forgé, l’écriture est concise, ciselée, d’une grande pureté. Il y a un vrai style, une grande fluidité dans la narration. Une belle œuvre de littérature qu’il faut absolument lire !
Guy Boley – Fils du feu – Grasset – 160p.