Coup de coeur - rentrée littéraire 2016
« Lorsque nous nous levâmes pour nous rendre au salon, il se passa une chose étrange. Alors que les autres étaient déjà à côté et que je m’effaçais derrière Judith Lynch pour lui laisser la préséance comme me l’avait recommandé Marcus, elle s’arrêta net, ferma brusquement la porte séparant les deux pièces et tourna le verrou pour s’isoler avec moi. J’entendis Nathan Lynch appeler sa femme à plusieurs reprises. Elle ferma rapidement l’autre porte qui menait à la cuisine et se dirigea vers moi. Je notai une fièvre inquiétante dans ses yeux. C’était une douleur immense, ou de la démence : ce regard brûlait d’un sentiment trouble et violent ».
Manhattan 1969. Werner Zilch est un jeune homme ambitieux. Par son travail et sa pugnacité, il souhaite avec son ami Marcus s’élever de la classe moyenne et se bâtir un empire à New-York. Homme séduisant, il enchaîne également les conquêtes. Mais, lors d’un déjeuner avec Marcus, il rencontre une jeune femme qui l’éblouit. Persuadé qu’elle est la femme de sa vie, il la suit et fait tout pour la conquérir malgré les embûches : Rebecca est une riche héritière donc très protégée. Convié par les parents à dîner, il rencontre Judith, la mère. C’est le choc, Judith s’effondre en le voyant et Rebecca ne donne plus signe de vie : pourquoi ?
En parallèle, l’auteure nous emmène à Dresde en 1945. En plein bombardement, une jeune femme, Luisa, meurt juste après avoir donné naissance et nommé son garçon : « Ne changez pas son nom. Il est le dernier des nôtres » dit-elle aux soldats qui l’entourent.
Adelaïde de Clermont-Tonnerre alterne les chapitres sur Manhattan et l’Allemagne, entre les années 70 et les années 40. Mais qu’est-ce qui peut lier ces deux espaces-temps ?
C’est tout le génie d’Adelaïde de nous plonger dans deux récits qui finissent par en former un, d’avoir su créer une histoire à la fois complexe, fascinante et très prenante. On découvre au fur et à mesure le passé de Werner Zilch et les raisons qui poussent ainsi Rebecca à s’éloigner de lui. Mais l’amour, quand il est fort, peut-il dépasser les passés sombres, les secrets enfouis ?
L’auteure nous fait aussi découvrir un fait historique assez méconnu : l’opération Paperclip. Si vous ne connaissez pas, surtout ne cherchez pas avant de lire cette pépite.
J’ai été véritablement transportée par cette histoire brillamment menée de bout en bout, servie par une écriture remarquable et fluide. Le dernier des nôtres est un roman captivant, aussi haletant qu’un polar. C’est un très gros coup de cœur pour moi.
Adelaïde de Clermont-Tonnerre – Le dernier des nôtres – Grasset – 490p.