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LES LECTURES DU MOUTON
12 août 2016

« Ahlam » de Marc Trévidic

Premier roman

2016-08-12 21

« Elle fut tentée de les revêtir. Après tout, qu’est-ce que cela changerait ? Ils auraient gagné ? Quelle victoire ? Forcer une jeune femme terrorisée à se soumettre à leur volonté, flatter leur sentiment de toute puissance ? Etais-ce si mal de céder ? Elle serait la seule à pouvoir se le reprocher. Son orgueil n’était pas forcément la réponse adaptée à leur folie. Mais, si elle cédait, si tous les Tunisiens étaient aussi faibles qu’elle, alors, que resterait-il de la Tunisie ? Ahlam détourna son regard des vêtements. Il lui sembla qu’elle était la Tunisie et que sa reddition serait à ses propres yeux insoutenables ».

J’ai failli abandonner la lecture de ce roman au bout de 150 pages, non pas que celui-ci était mauvais – loin de là – mais parce que le jihadisme, le terrorisme, je n’en peux plus. Je l’ai donc laissé de côté quelques jours et je me suis replongée dedans sans soucis.

Paul Arezzo, un célèbre peintre français, décide de trouver l’inspiration en s’installant à Kerkennah en Tunisie au début des années 2000. Très rapidement, il se lie d’amitié avec Farhat, un pêcheur, et sa femme Nora. Après le décès de cette dernière d’une leucémie foudroyante, Paul passe de plus en plus de temps avec leurs enfants, le jeune Issam et sa sœur Ahlam. Bientôt, les deux enfants se révèlent prodigieux, Issam pour la peinture et Ahlam pour la musique. Le temps coule aussi paisiblement que le régime de Ben Ali le permet. Mais, au début des années 2010, une période sombre débute en Tunisie. Si la révolution de jasmin et le Printemps arabe font chuter Ben Ali, la démocratie n’arrive pas à s’instaurer sous la pression des islamistes de plus en plus nombreux et de mieux en mieux organisés (les factions En Nahda, Al Qaida). Issam finit par épouser la cause jihadiste alors qu’Ahlam choisit la voie de la résistance. Les tensions montent au sein de la famille et Paul, le Français « mécréant », se retrouve dans une situation compliquée…

De la part de l’ancien chef du pôle antiterroriste, on s’attendait forcément à une analyse fine de la montée de la pensée islamiste et, en effet, l’auteur remplit bien son rôle en décortiquant minutieusement les éléments, les moyens (propagande sur internet avec des vidéos détournées…) qui font basculer les jeunes vers le fondamentalisme. Marc Trévidic brosse aussi un portrait saisissant de la Tunisie post-Ben Ali. Finalement, le plus surprenant dans le roman est l’approche artistique : l’art est présenté comme une puissance, une liberté, une ouverture, tout ce que l’islamisme ne peut que condamner.

Une bien belle surprise qui montre que Marc Trévidic a plus d’une corde à son arc. 

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 Marc Trévidic – Ahlam – JC Lattès – 320p.

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Commentaires
C
J'ai apprécié cette lecture. Un ex-juge anti-terroriste médiatique qui prend la plume pour nous exposer le processus de radicalisation pourquoi pas, c'est tendance. Mais la forme employée, celle du roman, m'a semblé plutôt maîtrisée. L'intrigue qui se joue au coeur d'une famille est intéressant. Si le parcours d'une soeur et d'un frère suivent le même chemin, c'est un facteur déclenchant étranger qui les amène à se séparer. L'auteur fait de l'art par son rôle social et politique un rempart à l'islamisme mais en montre aussi les limites. Il ne peut être le seul. La faiblesse de l'Etat et de ses hommes sont les facteurs facilitant la radicalisation car aucun ne joue son rôle qui est d'être au service de la population.<br /> <br /> Comme vous l'écrivez très justement, c'est une bonne surprise que ce premier roman. Maintenant, il nous faudra attendre pour savoir si l'auteur continuera dans cette voie ou s'il osera dépasser un thème qu'il maîtrise pour nous offrir autre chose.
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Q
Grâce à votre critique, je vais probablement le lire. Merci.
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