« Le carré des Allemands » de Jacques Richard
Premier roman
« Tous les moi que je suis, enchâssés l'un dans l'autre depuis le tout premier. Toutes mes innocences dès le premier mensonge. Chacune enchevêtrée à chacune des autres. Tous les mensonges enchevêtrés d'innocence. Toutes les innocences érodées de mensonges, usées, flétries, et toujours aussi nues, fragiles, vraies, les mains croisées sur la poitrine frêle. Tous les moi ingénus, transparents, obscurs, anciens, impurs, intacts. Ils sont tous là. Tout le temps, tous les jours. Chacun parle, chantonne, ment, crie, joue, triche à son tour et simultanément. L'adulte qui est en moi en sait plus sur l'innocence que l'enfant qu'il sera jusqu'à la fin. Et l'enfant sait tout du mensonge, et d'abord de celui qu'il se fait, depuis le début, à lui-même, de celui qu'il est. L'enfant sait tout du mal. »
Dans ce court roman, on suit, à travers cinq carnets, les difficultés de vivre d'un homme dont le père a été un Waffen-SS. Il dresse ainsi le journal d'un autre, un père qui a commis les pires atrocités. Mais, c'est aussi le journal de ce fils qui ne sait comment porter cet héritage et qui vit d'ailleurs plus ou moins en reclus. Enfin, à travers ce récit, on dresse finalement le portrait de tout homme qui fasse aux guerres, aux adversités, peut donner le meilleur ou bien le pire. Ce roman âpre, difficile, émotionnel, m'a beaucoup fait penser à la célèbre chanson de Jean-Jacques Goldman, Né en 17 à Leidenstadt : « Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens […] s'il fallait plus que des mots ».
J'avoue avoir eu un peu de mal à entrer dans ce roman, perturbé par la narration et puis j'ai été saisi par la dureté des mots, le style direct et toute cette réflexion sur le comportement humain.
Jacques Richard – Le carré des Allemands – Éditions de la Différence – 145p.