Coup de cœur – Hiver littéraire 2017

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S’il y avait bien un roman de la rentrée littéraire de janvier que j’attendais avec impatience, c’était celui-là ! Pierre Raufast est pourtant un auteur prolifique. Si Jésus multipliait les pains par l’opération du saint Esprit, Pierre Raufast multiplie les histoires et les romans à la vitesse de la lumière. En moins de deux ans et demi, il offre à ses lecteurs, de plus en plus nombreux, un troisième roman tout aussi fascinant et jubilatoire que les deux premiers. Auteur prolifique mais aussi auteur protéiforme, Pierre est à l’aise comme une baleine dans l’eau aussi bien dans le monde des sciences, de l’informatique que dans le monde de la littérature. Ce mélange original, ce côté touche-à-tout est de plus en plus remarqué, au point que le roman a été mis en avant dans une dépêche AFP sur la rentrée littéraire le 29 décembre (reprise par plusieurs médias).

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Pour ce troisième opus, Pierre Raufast a choisi d’aborder le thème de la solitude à travers le jeune Richeville. Après plusieurs années d’études à l’ESSEC de Cergy-Pontoise (ça m’a fait sourire, j’y suis née), l'idéaliste Richeville ne souhaite pas se lancer dans le business, être un « requin ». Il n’hésite pas à tout lâcher quand il tombe sur une annonce pour être mousse sur l’Hirundo, un bateau de recherches scientifiques affrété par le cruel Dr. Álvarez. La mission dévolue à l’équipe, composée de Richeville, Eduardo, Marc et Dimitri, est de suivre la baleine 52 Hz. Cette baleine, découverte pour la première fois en 1989 mais jamais aperçue, intrigue le milieu scientifique en raison de son chant particulier. En effet, elle émet un chant d’amour de 52 Hz alors que les autres baleines oscillent entre 12 et 25 Hz. Cette particularité la condamne à la solitude. Richeville se prend de passion pour cette mission mais rien ne se déroule comme il l’espérait. Cette mission scientifique est le point de départ d’une série d’aventures extraordinaires, drolatiques mais aussi bien sombres où l'on rencontre un sculpteur de « Vierges » Marie, où on évoque le projet « Popeye » et la conférence d’Asilomar, où on suit l’ascension et la chute d’une start-up de baleines, sans compter des crabes et une libraire. Est-ce que le jeune Richeville va réussir à se forger une place dans ce monde de fou ou sera-t-il condamné comme la baleine à une éternelle thébaïde ?

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Dans ce récit en quatre parties et plusieurs narrateurs, Pierre Raufast raconte une multitude d’anecdotes scientifiques, aussi bien dans l’informatique, les sciences ou les mathématiques. C’est un roman très documenté, où les faits véridiques se mêlent à l’imagination bouillonnante de l’auteur. D’ailleurs, nous sommes prévenus dès le départ. Si vous n’êtes pas friand de base du monde des sciences, n’ayez aucune inquiétude : tout se lit avec facilité car Pierre Raufast rend l’ensemble accessible, captivant grâce à une écriture fine et malicieuse. La patte raufastienne est reconnaissable avec une construction narrative très élaborée, renforcée d’autant plus par l’ambiance un peu polar adoptée dans ce roman. On y retrouve toujours autant cette folie, ce ton facétieux, l’humour à froid et surtout cette sensibilité et poésie. J’insiste d’ailleurs sur ces deux derniers qualificatifs. En effet, l’auteur nous offre un roman plus grave, plus personnel à mon sens. La solitude de Richeville me semble proche de ce que peut être le monde de (cet ?) l’écrivain, de l’écriture. La double facette scientifique et littéraire est pleinement assumée et revendiquée - même si Pierre n’a jamais nié les deux côtés de sa médaille. L'auteur offre aussi à tous ses lecteurs de la première heure une foule d’explications et de clins d’œil complices sur ses deux premiers romans : on retrouve ainsi la fameuse « inadvertance », les rats taupes, le rhum vénézuélien, le capateros, le syndrome Sheridan, les pluies diluviennes à Rambarane… Ces ajouts, toujours judicieusement placés, forment des sortes de mises en abyme… encore une histoire de fractales renforcée par l'emboîtement des différentes histoires des personnages. Si vous n’avez pas lu les précédents, là encore pas de panique, vous pouvez très bien lire la baleine sans connaître les références.

Au fil du temps et de ses romans, l’auteur construit une œuvre riche, originale, sincère où l’imagination n’a pas de frontières mais où le réel est cependant bel et bien présent. Pierre Raufast est un auteur qui repousse sans cesse les limites du possible en mélangeant tout, en osant tout, tout en étant ancré dans notre monde (un peu) morose, (un peu) effrayant, (un peu) cynique. Comment ne pas avoir peur de l'informatique qui surveille et traque, des réseaux sociaux qui peuvent détruire une réputation, une vie ! Les différentes aventures narrées permettent des critiques sur le sentiment de toute puissance des hommes à travers les sciences mais aussi des critiques sur notre monde consumériste et peu écologique. Ce sont ces aspects lancés, mine de rien, qui font la richesse et la subtilité du récit. D’ailleurs, après deux lectures attentives, je pense qu’il me reste encore à découvrir de ce roman… 

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Voilà, je ne sais que dire de plus, hormis qu’il faut absolument le lire ! Courez vite chez votre libraire préféré ou préférée (une grande blonde peut-être, aux yeux bleus-gris et aimant les crabes).

Et parce que deux avis valent mieux qu’un seul et que le partage est ce qui compte le plus, voici celui de la belle Leiloona, autre grande fervente lectrice de notre conteur :

La baleine thébaïde, Pierre Raufast | Bric à Book

Il est des auteurs dont chaque nouvelle publication est fortement attendue. Une certaine appréhension naît aussi de cette attente : aimerai-je ce troisième roman autant que le premier et le deuxième ? (Quel lecteur ne s'est pas posé cette question ?) Pour ce 3è opus, je vous avouerai que je n'ai guère eu le temps d'avoir peur ...

http://www.bricabook.fr

 

Pierre Raufast – La baleine thébaïde – Alma éditeur – 220p