Coup de cœur – rentrée littéraire 2015

Premier roman

 

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« Tu es l'enfant de tous. Tu es l'enfant arrachée à la vie qui consolide la vie des enfants restés en vie. Tu es la sacrifiée, l'Iphigénie qui libère les vents pour le voyage des autres».

19 décembre 2013, Camille rentre avec sa mère d'une soirée théâtre. Elle a un peu mal à la tête, de la fièvre, mais rien d'alarmant. Quatre jours plus tard, Camille décède d'une bactérie dont on ne connaît l'existence qu'après l'autopsie. Pendant ces quatre jours, Sophie ne comprend pas le mal qui ronge sa fille, la soigne, la veille, essaie d'alerter les médecins de son état... en vain. Ce qui semblait être une grosse grippe au départ a été fatal pour la jeune fille. À l'aube de Noël, Sophie et son mari perdent ainsi leur fille unique et font face comme ils peuvent à cette situation brutale.

Avec beaucoup de force, de justesse, sans pathos et dans un style direct, Sophie Daull nous raconte, à travers ce récit adressé à sa fille, les quatre jours avant l'issue fatale mais aussi les jours qui suivent et tous les événements auxquels ils doivent faire face : l'annonce de la part aux proches, trouver des pompes funèbres ouverts en plein Noël, préparer la cérémonie, reprendre le quotidien.

Au-delà de la douleur innommable qu'il faut surmonter, Sophie Daull raconte aussi des épisodes cocasses dans lesquels elle est plongée malgré elle, à l'image de la venue des voisins chez elle :

« Ils ne bougent pas...Je force un peu la main en tendant la mienne pour saluer, conclure. Ils la serrent, mais ne bougent pas. Ça devient gênant. Un ange passe. Pas toi, je t'aurais reconnue. Je commence à faire comprendre que nous allons passer à table, que l'heure est venue de rester entre nous, etc. Ils ne bougent pas. Ils sont debout dans l'entrée et ne bougent pas, leur sourire épinglée sur le visage commence à se figer dans ce qu'on appelle un sourire bête, ou une grimace. Et enfin je comprends. Ils veulent me toucher. Oui c'est ça. Ils veulent une étreinte, un câlin, une embrassade. Je m'avance vers eux les bras ouverts, et à ces gens que je vois pour la première fois de ma vie, j'administre de grosses bises sonores, qu'ils me rendent en me serrant contre eux, surtout elle, me pressant contre sa poitrine, cachant son visage dans me cheveux parce que, enfin, elle pleure. C'est ça qu'elle voulait, pleurer, lâcher son masque de circonstance et laisser venir à ses yeux l'apaisement des larmes, la détente du consentement à l'émotion.»

Dans ce récit, Sophie ne s'interdit rien, ni la description de la douleur, ni l'humour ni les mauvaises pensées. Ainsi, elle se réjouit de n'avoir pas eu d'autres enfants... il n'ont ainsi pas à pleurer leur sœur... ou encore « quand je vois ce qui attend ce monde de merde, entre trahison politique, catastrophe écologique et pauvreté de masse, je me dis que oui, on peut se dire que tu as été bien inspirée de quitter le navire ».

Comment ne pas être submergée d'émotion face à une telle lecture ! Le style direct, franc, sans filtre mais avec un amour infini, rend le récit d'autant plus fort et déchirant. Je ne peux que vous conseiller la lecture.


Sophie Daull – Camille, mon envolée – Philippe Rey – 192p.

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Livre lu dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2015 (26/6)