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LES LECTURES DU MOUTON
25 novembre 2015

« Nous dînerons en français » d'Albena Dimitrova

Coup de cœur – rentrée littéraire 2015

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« Une première nuit, première jouissance, abandon. Sa sève coulait à flots entre mes jambes. Nous peaux la guidaient dans un dédale de beauté, l’anima de nos muscles, de nos mains masculines, nos mains féminines, sans mémoire. Un plongeon dans nos sexes sans âge, ma peau au grain à découvert, la sienne à la souplesse des barrières tombées. Le silence hivernal accueillait les verbes de nos corps enlacés. Nous fîmes l’amour comme des affamés qui célébraient la fin de la famine. Et ses yeux, ses yeux grands ouverts. 

La vie était des plus belles. Nous sillonnions les rues, nous restions des nuits entières blottis l’un dans l’autre. Il ne quittait plus son rire d’enfant … Un sens tout simple reprenait cours dans les vagues de nos destins apaisés. Un nuit lumineuse, nous avions récité nos chants enflammés, guéri nos blessures, séché nos larmes. 

Nous étions dans une barque aux rames brisées et avions pris le large. » (p.98)

En voilà une pépite de cette rentrée littéraire qui est que trop peu médiatisée. C'est au hasard de mes pérégrinations sur les blogs littéraires amis que j'ai découvert ce titre de cette maison d'édition que je ne connaissais pas bien : Galaade. Je suis heureuse d'avoir tenté l'expérience.

Bulgarie 1986. Alba a dix-sept ans. Souffrant d'une paralysie inexpliquée de la jambe, elle est admise à l'hôpîtal du gouvernement. Elle y rencontre Guéo, 55 ans et membre du Politburo. Il la soutient dans son épreuve, se lit d'amitié avec elle, tente même de la caser avec son fils. Mais, la relation dévie rapidement en passion malgré la différence d'âge et malgré les événements politiques qui secouent l'URSS. Même avec la perestroïka et la Glasnost, Guéo comprend que le communisme est prêt à s'effondrer et il travaille sur un rapport pour le sauver.

« La publicité contre le contenu se répandait sur nous tous. Les convictions laissaient la place à la séduction. Elle avait déjà entamé le renversement des jeunes esprits dans toute l'Europe. J'allais découvrir que de l'autre côté du Mur on communiquait mieux. On trouvait des formules magiques d'une force tranquille. Leurs slogans savaient mieux offrir ce qu'on voulait entendre, là et maintenant, nourrir la foi dans les promesses d'un demain où tout serait meilleur, même s'il n'arrivait pas » (p.73).

Le rapport de Guéo dénonce les dérives capitalistes du régime ce qui conduit les services secrets à le surveiller ainsi qu'à épier sa relation avec Alba. Malgré cette surveillance, Guéo promet à Alba un voyage à Paris et un dîner en français...

L'auteur, Albena Dimitrova, bulgare vivant aujourd'hui en France, nous livre ainsi dans ce roman une histoire d'amour passionnée dans un contexte politique brûlant. La passion entre ces deux êtres que tout oppose est transcrite avec une vraie force et une puissante sensualité. Le contexte de fin de régime communiste est également décrit avec minutie et réalisme.

Le roman s'achève avec la retranscription du rapport de Guéo permettant de voir avec lucidité la vision de cet homme sur un régime pour qui il a tout sacrifié.

« Je n’ai jamais possédé le cœur de Guéo. Lui non plus, il n’a jamais possédé le mien. Nous les avons juste fait battre ensemble. Étions-nous libres ? » 

Albena Dimitrova – Nous dînerons en français – Galaade – 216p.

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Livre lu dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2015 (22/6)

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