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LES LECTURES DU MOUTON
22 novembre 2015

« L'homme de ma vie » de Yann Queffélec

 

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« Nous nous promettons de nous revoir vite et d'aller marcher en forêt. Je le regarde se diriger vers l'avenue du Parc et l'émotion m'étreint. Mon père. Il n'est pas si grand que je croyais. Il se tasse avec les années, sa démarche est moins assurée. Il y voit moins bien, j'en ai peur. Je regarde s'amenuiser sous les platanes l'homme de ma vie. Qu'est-ce qui m'empêche de lui courir après ? On se dit ces choses-là, on les imagine, mais dès qu'on veut les mettre en pratique, passer au concret, il n'est plus temps. D'ailleurs il a disparu. Quel âge il a, papa ? Quel âge peut avoir un homme comme ça ? » (p.201).

Tout lecteur averti connaît Yann Queffélec, ne serait-ce que par l'obtention du prix Goncourt en 1985 pour Les noces barbares. On peut également connaître son père Henri, universitaire, scénariste, écrivain qui a su faire de la mer et de la Bretagne sa source d'inspiration. Il a obtenu pour l'ensemble de sa carrière le Grand prix de littérature de l'Académie française en 1975.

En revanche, on ne connaît pas la relation difficile entre le père et le fils. Yann a eu le tort d'être la cadet de la famille, celui de trop auprès d'un grand frère à qui revient toutes les louanges paternelles. Et pourtant, Yann aime son père, l'admire et souffre du manque d'affection.

Tout au long de ce récit, Yann déroule son enfance, son adolescence puis sa vie d'écrivain adulte, au côté d'un père qui lui reproche toujours quelque chose et qui ne lui pardonnera pas l'obtention du Goncourt :

« Et, soudain, j'en ai marre de cette ombre confinée toute grouillante d'acariens à tête de mort, du souffle de papa, du souvenir de maman, je n'ai pas assez de mots pour m'excuser du temps que je lui fais perdre, à mon père, avec tout ça, avec moi, ma vie, au revoir papa, désolé, pardon, merci...

Et ce fut la première et la dernière fois où, sans même raccrocher, pris d'une rage de perdition, je mis en pièces le téléphone encrassé d'une cabine publique comme s'il y allait de ma vie. » (p.187).

Malgré tout, quelques instants de complicité ont lieu mais vite effacés par un quotidien d'incompréhension mutuelle.

Yann nous livre un témoignage bouleversant, sincère d'un homme qui a attendu vingt-trois ans après le décès paternel pour livrer son cri du cœur : un amour indéfectible pour un père qui n'a su que trop mal aimer :

« Mon livre s'achève, amie lectrice, lecteur, vous lui manquez déjà. J'ai déguisé pour en venir à bout tout ce qui pouvait l'être. J'ai maquillé, enjolivé, recruté faux-nez, hommes de paille et prête-noms, ne voulant pas incommoder la mémoire de papa ni les amis des amis des amis. Mais pas un seul des épisodes auxquels je fais allusion ici, tous amorcés dans leur exactitude originelle, qui mente à l'Homme de ma vie ». (p.258)

Yann Gueffélec – L'homme de ma vie – Éditions Guérin – 288p.

 

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 Livre lu dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2015 (21/6)

 

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Commentaires
A
J'ai entendu parler de ce livre lorsque Y. Queffélec est venu à LGL. C'est un livre qui a l'air vraiment poignant et j'aimerai beaucoup le lire un jour mais pas sûr d'y être prête pour le moment.
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