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LES LECTURES DU MOUTON
18 octobre 2015

« Les échoué » de Pascal Manoukian

Coup de cœur – rentrée littéraire 2015

Premier roman

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« Parfois, mieux valait laisser les plus faibles se reposer une journée et reprendre la marche forcée le lendemain. D'autres fois, mieux valait abandonner le lot sur place, en plein désert, et partir en chercher un autre. C'étaient des choix d'épiciers : il fallait savoir sélectionner sa marchandise, bien la répartir dans les cagettes. Ne pas prendre de fruits trop jeunes qui n'auraient aucune chance de mûrir, ni de fruits trop mûrs qui ne supporteraient pas le voyage et qui risquaient en pourrissant de compromettre l'ensemble du chargement. Là était le seul risque des convoyeurs. Pour le reste, ils n'avaient rien à craindre. Les clandestins étaient dociles comme des légumes, entièrement dépendants des passeurs, terrorisés à l'idée d'être abandonnés ou arrêtés, incapables de s'orienter ou de survivre seuls. La cargaison parfaite, si ce n'est son côté périssable ; » (p.107)

Pascal Manoukian nous signe un premier roman magistral sur un thème malheureusement d'actualité. Nous sommes projetés au début des années 90 pour suivre le destin de trois hommes qui fuient leurs pays respectifs et se retrouvent en France, à Villeneuve-le-Roi. Il y a Virgil, le Moldave qui a laissé femme et enfants pour trouver du travail, Assan qui fuit la Somalie avec la seule rescapée de sa famille à savoir sa fille Iman et enfin Chanchal, le jeune Bangladais qui vend des roses.

Au-delà du quotidien difficile en France où l'exploitation par les marchands de sommeil côtoie la sympathie d'une famille française qui cherche à les aider, Pascal Manoukian explique aussi – avec beaucoup de justesse et de réalisme - le périple inhumain de ces naufragés de la vie où les passeurs règnent. Tout aussi difficile est le sort des femmes dans ces circonstances : Iman, dont le père regrette tant l'excision, doit s'habiller comme un garçon pour se protéger, la femme de Virgil subit le viol...

Il y a cependant, malgré les difficultés et les méfiances, une solidarité qui se forge entre les trois hommes permettant d'adoucir le quotidien et les sourires.

Ce texte si fort et ces personnages dramatiques sont les fruits d'un auteur qui ne connaît que trop bien le sujet. Journaliste de terrain dans les zones de conflit, il est l'un des premiers à avoir décrit les horreurs de Lampedusa en 2011.

On oscille sans cesse entre le pessimisme et l'optimisme. Pessimisme car la situation des années 90 perdure et est même aujourd'hui un drame d'une ampleur inouïe mais optimisme car elle éveille les consciences. On peut d'ailleurs se poser la question du rôle du roman dans la prise de conscience collective.

Une véritable claque que je ne peux qu'encourager à lire !!!

« Et ça ne fait que commencer, nous sommes les pionniers, les plus courageux. Vous verrez, bientôt des milliers d'autres suivront notre exemple et se mettront en marche de partout où l'on traite les hommes comme des bêtes. Il n'y aura aucun mur assez haut, aucune mer assez déchaînée pour les contenir. Parce que ce qu'il y a de pire chez vous est encore mieux que ce qu'il y a de meilleur chez nous. Vous n'y pouvez rien, croyez-moi, ce qui vous gratte aujourd'hui n'est rien à côté de ce qui vous démangera demain. » (p. 268).

Pascal Manoukian – Les échoués– éditions Don Quichotte – 298 p.

 

logo2015

Livre lu dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2015 (13/6)

 

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Commentaires
L
Ah !! Il y a beaucoup d'optimisme dans la fin du roman ! La beauté du sacrifice ! Et en effet, c'est pour moi l'exemple typique de la lecture militante, celle que je préfère par-dessus tout !<br /> <br /> Est-ce que tu as lu son dernier roman, "Ce que tient ta main droite t'appartient" ? Je vois qu'il n'est pas dans ton index. Il devrait te plaire aussi !!<br /> <br /> http://www.bibliolingus.fr/ce-que-tient-ta-main-droite-t-appartient-pascal-manoukian-a128008892<br /> <br /> A bientôt,<br /> <br /> Lybertaire
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