Coup de cœur – rentrée littéraire 2015
« Si tu savais combien d'hommes j'ai connus, j'ai caressé tant de peaux, j'ai enlacé tant de corps, j'ai écouté des chapelets de mots d'amour tandis que mes amants me regardaient de leurs yeux amollis de désir. Chaque fois, je jouis de leur mort à venir. Je les tiens entre mes jambes, ces pauvres petits êtres, moi la rivière, moi la géante, moi la Vouivre, j'en fais ce que je veux, aucun ne me résiste. Je suis la plus grande des catins, mais le prix à payer est exorbitant et, souvent, je ne l'annonce pas avant la fin. »
Blanche est morte en 1361 à l'âge de douze ans. Un an auparavant, elle quitte un père brutal et austère pour rejoindre le domaine des Murmures, cette terre qui penche. Elle est promise à Aymon, l'idiot du domaine mais avec qui elle apprend à aimer. Cette entrée dans cette nouvelle vie aurait pu signer l'aliénation totale de la jeune fille or, elle permet l'émancipation : la liberté d'esprit avec l'apprentissage de la lecture, la liberté d'aimer avec Aymon et Éloi, la communion avec la nature avec la Loue, cette rivière mystique capable d'apaiser comme de détruire.
Avec douceur et une très belle plume, Carole Martinez nous plonge dans une belle fable initiatique au cœur de la Franche-Comté médiévale. Le mysticisme, le fantastique côtoient la réalité crue de la vie dans un récit où alternent l'âme de la petite fille décédée et celle de la vieille âme qu'elle est devenue. L'ensemble est ponctué de belles chansons et le récit de Carole Martinez empreinte beaucoup à la poésie :
« Et peigne, peigne la toison,
Et tourne, tourne le fuseau
Et mouille, mouille la laine du bout des doigts,
Et le fil se fait sans y penser ».
Je n'avais encore jamais lu Carole Martinez et je le regrette... va falloir remédier à ça...
Carole Martinez – La Terre qui penche – Gallimard – 368 p.
Livre lu dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2015 (10/6)