Coup de cœur – rentrée littéraire 2015
« Si à travers l'écriture tu ne cherches pas à te connaître, à fouiller ce qui t'habite, ce qui te constitue, à rouvrir tes blessures, à gratter, creuser avec les mains, si tu ne mets pas en question ta personne, ton origine, ton milieu, cela n'a pas de sens. Il n'y a d'écriture que l'écriture de soi. Le reste ne compte pas. »
Par hasard, Delphine la narratrice rencontre L. lors d'une soirée chez des amis communs. Au moment de cette rencontre, Delphine est épuisée et débordée par le succès de son précédent roman autobiographique. Son compagnon, François, critique littéraire, est souvent en reportage aux États-Unis et ses enfants, jeunes bacheliers, quittent le nid. De plus, elle reçoit régulièrement des lettres de menaces. L'arrivée de L. dans sa vie semble être une bulle d'air pour Delphine : elle lui confie tout, ses doutes, ses projets, ses envies et surtout sa difficulté à se remettre à l'écriture.
Lentement mais sûrement, L. s'immisce de plus en plus dans la vie personnelle de Delphine, allant jusqu'à vivre un temps chez elle et à répondre à ses lettres et mails à sa place mais surtout elle est déterminée à ce que Delphine écrive à nouveau un roman autobiographique car seule la vérité compte pour le public.
Commencé de manière banale, ce roman se transforme progressivement en thriller psychologique qui rappelle le Misery de Stephen King.
Ce nouveau roman de Delphine de Vigan, découpé en trois parties – séduction, dépression, trahison – est extrêmement bien ficelé. Elle joue sans cesse sur la frontière réel-fiction et ce jusqu'au bout du roman. Surtout, D'après une histoire vraie ressemble énormément à Rien ne s'oppose à la nuit, précédent roman sur sa mère bipolaire. On y retrouve le processus difficile de l'écriture mais aussi la thématique de la schizophrénie. J'ai d'ailleurs ma propre théorie sur ce qu'est L. - que j'expose en bas de cette chronique pour éviter de dévoiler l'intrigue à ceux qui ne l'ont pas lu.
Delphine de Vigan, même si elle a encore du mal parfois à se considérer comme écrivain, mérite amplement d'être lue. J'espère la voir remporter un prix littéraire même si ce n'est pas le plus important d'avoir la reconnaissance de ses pairs et même si certains y verraient un copinage de fait en raison de sa relation avec François Busnel – comme si le talent ne lui était pas suffisant...
Delphine de Vigan – D'après une histoire vraie – JC Lattès – 480 p.
Livre lu dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2015 (9/6)
*** SPOILERS***
J'ai très envie de faire part de toutes les théories que j'ai pu élaborer sur ce roman et notamment sur L. J'ai pu imaginer divers scénarios, ce qui prouve la grande richesse de ce roman.
L'intrigue principale est le prénom de L. Son prénom n'est jamais dévoilé par Delphine. Au premier abord, j'ai pensé évidemment à l'équivalent du pronom « elle » pour désigner l'autre. Cet aspect serait là encore une forme de clin d’œil à Stephen King avec son « ça/It ». Et puis, j'ai laissé mon imagination vagabonder et je n'ai pu m'empêcher de voir à travers L. un prénom bien particulier : L...ucile, sa mère bipolaire. Elle rendrait ainsi à nouveau hommage à sa mère à travers une histoire où il semblerait finalement que Delphine soit plus schizophrène que menacée par une entité extérieure à elle. La narratrice Delphine serait ainsi en pleine crise d'hallucinations et s'imaginerait une entité maléfique. On constate d'ailleurs que Delphine et L. rassemblent les deux facettes de la personne bipolaire : Delphine est la phase dépressive, L. la phase maniaque.
J'ai même poussé le bouchon un peu loin en imaginant que l'auteur Delphine a voulu aussi représenter sa peur face à la maladie de sa mère, sa peur d'être atteinte du même mal. En poussant le vice jusqu'au bout, j'ai noté que la fille de la narratrice s'appelle Louise - encore un L.... imaginez ce que vous voulez !
Je ne sais pas ce que vous, lecteurs, en avez pensé...
FIN*