« Profession du père » de Sorj Chalandon

4 septembre 2015

« Profession du père » de Sorj Chalandon

Coup de cœur – rentrée littéraire 2015

« Et c'est quoi cette histoire ? Tu étais malheureux quand tu étais enfant ? » (p.293).

Après la lecture du Quatrième mur, j'appréhendais beaucoup la venue du prochain roman de Sorj Chalandon : quand on a vécu quelque chose de si fort, on a peur d'être déçu, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Mais, Sorj Chalandon est un maître et ce dernier roman est fort, puissant, bien qu'il ne ressemble pas à son précédent. On y trouve cependant des thèmes déjà présents dans Retour à Killybegs, à savoir l'enfance et la violence.

Sorj Chalandon raconte, à travers le petit Émile Choulans, son enfance parmi un père dément, violent et une mère aimante mais passive, déconnectée de la réalité. Le petit Émile a douze ans et comme tous les garçons, il croit son père même quand les mensonges sont énormes. Se sentant trahi par De Gaulle avec les accords d'Évian, le père charge son fils... de tuer le Général avec lui. Le tout semble organisé par le père avec la CIA et Ted, le parrain américain d'Émile... que personne n'a jamais vu... il n'existe évidemment que dans la tête du père. Pour cet objectif, Émile subit par son père de nombreuses violences physiques et psychologiques (coups, privations de nourriture...). La mère ne le protège pas – elle reçoit elle aussi d'ailleurs des coups : « Tu connaîs ton père » lui dit-elle souvent.

Entraîné dans cette histoire démente, Émile reproduit involontairement les folies de son père avec son camarade Luca qui va d'ailleurs le payer cher.

Seuls l'entrée dans l'âge adulte et son départ, plus que brutal, de la maison familiale lui permettent d'avoir l'éloignement, le recul nécessaire à sa reconstruction.

Ce roman est bouleversant. On est pris aux tripes lors des scènes de violence. On a envie de prendre cet enfant dans les bras et de l'aimer, l'aimer aussi fort que possible...

Sorj Chalandon – Profession du père– Grasset – 320 p.