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LES LECTURES DU MOUTON
25 janvier 2015

« Meursault, contre-enquête » de Kamel Daoud

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L'auteur : Né en 1970 à Mostaganem, Kamel Daoud est journaliste au Quotidien d'Oran, où il tient depuis douze ans la chronique la plus lue d'Algérie. Il vit à Oran. Il est l'auteur de plusieurs récits dont certains ont été réunis dans le recueil Le Minotaure 504 (Sabine Wiespieser Éditeur, 2011). Meursault, contre-enquête est son premier roman. Depuis décembre 2014, il est l'objet d'une fatwa.

Quatrième de couverture :

Il est le frère de « l'Arabe » tué par un certain Meursault dont le crime est relaté dans un célèbre roman du XXe siècle. Soixante-dix ans après les faits, Haroun, qui depuis l'enfance a vécu dans l'ombre et le souvenir de l'absent, ne se résigne pas à laisser celui-ci dans l'anonymat : il redonne un nom et une histoire à Moussa, mort par hasard sur une plage trop ensoleillée.

Haroun est un vieil homme tourmenté par la frustration. Soir après soir, dans un bar d'Oran, il rumine sa solitude, sa colère contre les hommes qui ont tant besoin d'un dieu, son désarroi face à un pays qui l'a déçu. Étranger parmi les siens, il voudrait mourir enfin...

Mon avis :

Il fallait un sacré culot pour s'attaquer à un monument de la littérature française comme l'est L'Étranger de Camus, en soulignant cet aspect absurde : l'Arabe tué n'a ni corps, ni identité et le meurtrier n'est pas tellement condamné pour cet acte mais pour son absence d'émotion (l'absence de pleurs pendant l'enterrement de sa mère est considérée comme la preuve) . D'ailleurs, en clin d'oeil au roman de Camus dont la première phrase est « Aujourd'hui, Maman est morte », Kamel Daoud oppose à la toute première phrase de son roman : « Aujourd'hui, M'ma est encore vivante ».

Haroun, en livrant son témoignage à un « universitaire » dans un bar, cherche à donner corps, vie en quelque sorte et surtout identité à son frère, Moussa, l'Arabe tué par Meursault sur une plage d'Alger, à quatorze heure en 1942. Ce frère mort n'a pourtant jamais été absent, ressuscité chaque jour par les récits de M'ma dans le voisinage. Un frère si présent que Haroun en a presque perdu sa propre identité. Il est d'ailleurs plus question de Haroun dans le roman que de Moussa finalement : Haroun mène une réflexion sur la condition humaine et sur sa propre identité. Il expose son rapport à la mort et au meurtre. Quand il tue un colon, Joseph, au moment de la Libération algérienne, il prend conscience de la libération du fardeau du frère, de l'accomplissement de la vengeance familiale (le meurtre est approuvé par M'ma) mais également du fait que tuer est se tuer soi-même, ne plus voir la vie comme sacrée et ainsi ne plus en jouir. Le rapport à Dieu est aussi évoqué comme celui de l'évolution de la société algérienne à travers les femmes. Meriem, la seule femme qu'il ait aimée dans les années 60, était une algérienne libre, portant jupe et talons, choses moins visibles aujourd'hui.

Enfin, il convient de ne pas oublier l'évocation de la difficulté des rapports mère-fils surtout quand la mère rend le frère absent trop présent et le frère restant trop à l'écart ou alors investi d'une mission de ressembler au frère disparu.

Enfin, comment ne pas terminer en soulignant la grande maîtrise par Kamel Daoud de la langue, superbe, si vivante. Bien qu'ayant bien aimé le roman de Lydie Salvayre (dont vous pouvez retrouver mon post ici), je ne comprends pas personnellement que Kamel Daoud n'ait pas reçu le prix Goncourt...il le méritait davantage !

 

 

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Commentaires
J
Je viens de le lire aussi. Très belle écriture. Une colère et une rancoeur légitimes qui m'ont toutefois un peu écrasée. sans nul doute un auteur à suivre.
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