" L'amour et les forêts " d'Éric Reinhardt
Mise à jour : 03/01/2016
Bénédicte Ombredanne souhaite rencontrer le narrateur pour lui dire combien son dernier livre a changé sa vie. Elle finit bientôt par faire des confidences à l'écrivain, l'entraînant dans sa détresse. Elle lui raconte notamment une folle journée de rébellion vécue deux ans plus tôt, en réaction au harcèlement continuel de son mari. La plus belle journée de toute son existence, mais aussi le début de sa perte.
Ce livre m'a bouleversée. Même si j'ai quelques critiques, que je vais vous exposer plus loin, j'ai été sous le charme de l'écriture de Reinhardt et prise, pour ne pas dire piégée, par le récit de cette jeune femme maltraitée moralement par son mari. Malgré une parenthèse enchantée dans les bras d'un amant éphémère, sa vie n'est qu'une longue descente aux enfers dont elle ne peut (j'ose même le « veut ») se défaire. Ni l'écrivain qui aura été une oreille attentive pendant plusieurs années, ni sa famille n'ont su la ramener à une vie paisible.
Quand je lis la quatrième de couverture qui dit que c'est un « roman poignant d'une émancipation féminine [...]où la volonté d'être libre se dresse contre l'avilissement », je ne peux être qu'en désaccord. Il n'y aucune émancipation pour Bénédicte malheureusement : malgré son infidélité d'un jour, malgré l'aveu de celle-ci à son mari dans un accès de rage, malgré d'autres moments, elle reste soumise à son mari et le devient de plus en plus. Éric Reinhardt parvient à nous dresser de manière très juste le portrait de ce mari harceleur : rien que le monologue qu'il tient à sa femme à son retour d'escapade vaut la lecture. On se sent progressivement oppresser par ce comportement et je ne vous parle même pas de la fin qui est d'une profonde tristesse et d'un dégoût certain. Par moments, on a envie de secouer cette pauvre Bénédicte mais on n'imagine pas à quel point une femme harcelée perd toute estime d'elle et finit par ne plus tellement se révolter.
Bien évidemment, quelques points négatifs sont à noter, même s'ils sont infimes. J'ai été profondément agacée par la manie de l'auteur d'écrire le nom complet de Bénédicte Ombredanne : est-ce une lubie ? Je ne sais pas mais c'est un peu risible. Ensuite, j'ai eu du mal à comprendre le comportement de l'auteur, enfin plutôt le narrateur, car on est pour partie dans une autofiction, vis-à-vis de Bénédicte. Il la soutient, il prend des nouvelles mais finalement disparaît des écrans radar suite à un événement qui l'a mis mal à l'aise. Je ne parle même pas d'un des membres de la famille que l'auteur rencontre (je ne dis pas qui c'est pour ceux qui n'ont pas encore lu) : cette personne raconte les détails sordides de la vie de Bénédicte sans avoir concrètement fait quelque chose contre le mari. Enfin, j'ai été surprise par une scène de masturbation dans un TGV dont je n'ai pas compris l'intérêt de relater : je suis pourtant très loin d'être prude mais là c'était inapproprié dans le récit.